Au milieu des terres brûlées, les oiseaux ne chantent plus. Ils disparaissent dans les braises, emportant avec eux ceux qui, chaque matin, les écoutaient avec enchantement. Au cœur d’un enfer insoutenable, que même les grands textes sacrés ne sauraient décrire, résonnent ces questions :
« Puis-je encore aimer ? Puis-je être aimé ? »
L’amour d’une vie s’évanouit en un instant sous vos yeux, un père, une mère, un enfant, un ami de toujours, un animal chéri…
La disparition devient encore plus déchirante lorsqu’elle n’a pas de nom, lorsqu’elle fait face au silence glaçant d’un monde en perdition.
Alors, tout meurt. Sans le temps, ni même la possibilité, de faire le deuil de ceux qu’on a perdus. Celui ou celle que l’on aimait, qui, hier encore, nous souriait, se retrouve demain, ce visage familier et tendre, ensanglanté dans un vulgaire sac ; non loin d’un enfant réduit en poussière par une bombe d’une tonne, d’un adolescent brûlé vif, d’une mère et de son enfant morts de faim dans les bras l’un de l’autre, après avoir survécu à tant d’épreuves.
« Pourquoi j’existe ?
Pourquoi ne veut-on plus que j’existe ?
Pourquoi ma vie est une offense et ma mort un soulagement ? »
Ils ont méticuleusement dépossédé un peuple de son humanité et de sa dignité. Pourtant, l’Histoire nous avait montré de quoi le pouvoir de quelques hommes est capable : assujettir, sévir, anéantir tout ce qui s’oppose à leur doctrine. Le « peuple des ténèbres », disait-il. Plus de 200 000 âmes se sont envolées vers une lumière d’un autre temps, libérées des ignominies humaines et des affres de la guerre. Elles n’auront ni stèles commémoratives, ni images, ni vidéos. Aucune trace. Tout sera effacé, réduit en poussière, dans l’oubli.
Mais ceux qui osent encore faire preuve de compassion et qui refusent de détourner le regard, eux se souviendront des vies perdues, de celles qu’on aura voulu effacer par les mots, par l’asservissement et la manipulation des esprits, cherchant toujours à rationaliser un mal profond, comme ce fut le cas pendant les Grandes Guerres : toujours une raison juste pour éradiquer un peuple jusqu’à ce que l’apothéose de l’horreur frappe, hantant les nuits de ceux qui, au fond, avaient consenti à l’entreprise de la mort.
Je préfère mourir éclairé que laisser mon âme s’enténébrer, gangrénée par l’apathie ou cette haine véhémente, parfois insidieuse, qui consume tout sur son passage, tel un brasier s’engouffrant inexorablement dans des contrées qui, jadis, étaient pleines d’espoir.
« Là où les oiseaux étaient libres de chanter et de s’envoler, de la rivière jusqu’à la mer, se posant délicatement sur les arbres qui ont vu leurs prédécesseurs naître. Ils berçaient la forêt de leur mélodieuse symphonie, tandis que les arbres leur répondaient par un silencieux écho, un secret qui restera à jamais hors de notre portée.
Que tous les oiseaux naissent et demeurent libres jusqu’à la fin des temps. »