À ceux qui ne sont pas convaincus, vous commencez à esquisser la raison d’être des manifestations, partout dans le monde ?

Elles émanent de la critique fondamentale du sionisme étatique, qui reproduit les rouages nationalistes européens du XIXe siècle.

Hannah Arendt s’était d’ailleurs fermement opposée à la logique mortifère qui a conduit à la Nakba.

« Nous assistons à un nationalisme juif fermé, autoritaire et militarisé qui va droit au désastre », écrivait-elle à Karl Jaspers en 1948.

Elle avait déjà pressenti tout ce qui se produit aujourd’hui, notamment dans Zionism Reconsidered, où elle analysait les conséquences d’une souveraineté exclusive exercée aux dépens d’une coexistence avec les Arabes.

Alors je me demande : de quel côté est l’excès ? De ceux qui scandent des appels à la fin du sionisme étatique, ou bien de ceux qui consentent par fanatisme ou par silence à cette dérive ?

Les appels à la fin du sionisme étatique ne sont pas antisémites. Ils sont lucides, et parfois issus d’une tradition juive elle-même critique de ce nationalisme, à l’instar d’Ilan Pappé, Shlomo Sand ou Noam Chomsky.

Mais qui lit, qui écoute ces intellectuels ? Est-ce qu’en s’abreuvant de CNews ou de BFMTV, on ne se laisse pas captiver par un sensationnalisme réducteur, plutôt que de forger sa pensée en explorant d’autres perspectives ?

Le gouvernement israélien bafoue librement le droit international en Palestine, au Liban, au Yémen, en Syrie, en Iran et il commet une autre faute impardonnable, avec toutes les personnes qui soutiennent cette entreprise funeste ; celle de profaner la mémoire de la Shoah, et de toutes les personnes qui se sont sacrifiées pour que cet héritage mémoriel nous empêche de reproduire les mécanismes qui ont permis au nationalisme de sévir.

Je n’ai pas envie d’être un perpétuel dommage collatéral d’un fait de nature, ni d’être assigné à une ethnie qu’on réduit à l’islamisme. On ne parle même plus d’islam aujourd’hui : on entrevoit le musulman, qu’il soit Arabe, Perse ou Turc, etc. puis celles et ceux qui osent les soutenir, comme des vecteurs de radicalisme.

Il existe, dans chaque société de ce monde, une part d’extrême. Pour autant, est-ce une raison pour leur dispenser la mort ?

Alors je dis : attention à ne pas croire qu’on a le droit d’annihiler arbitrairement un peuple, ou des civils, aussi lointains soient-ils, quand bien même vos gènes ne soient pas assimilés aux leurs, ou que nous ne partagions pas la même racine civilisationnelle.

Younis M.